Le village fribourgeois de Heitenried,
situé dans le district de la Singine, est distant de cinq cent nonante
kilomètres de Bologna, capitale de l’Émilie-Romagne. Le magnifique chemin
parcouru par Michel Aebischer, joueur du FC Bologna ne se calcule cependant pas
en kilomètres. En effet, la trajectoire du milieu de terrain de l’équipe
nationale suisse est exemplaire et pratiquement digne d’un conte de fée. Nous
sommes allés lui rendre visite sur le site du centre technique du Bologna FC.
Michel, dans quel club et Ã
quel âge as-tu débuté le football ?
J’ai commencé à jouer au football
à l’âge de cinq ans dans le club du FC Heitenried, village de la partie
germanophone du canton de Fribourg comptant plus ou moins 1300 habitants.
Tes qualités footballistiques
ne sont pas passées inaperçues et tu as été rapidement repéré. Peux-tu nous
nous donner quelques précisions ?
A l’âge de 11 ans, J’ai rejoint le
mouvement junior du FC Fribourg avec lequel j’ai évolué dans les différentes
catégories. Après cinq ans, j’avais alors seize ans, ce fut le passage dans le
club de la capitale, soit le BSC Young Boys.
Ta progression au sein du club
bernois est représentative de ta personnalité. Tu as été patient, pondéré et tu
t’es pleinement investi, étape par étape, pour atteindre tes
objectifs ?
Je suis passionné et je vis pour
le football. En même temps, je savais qu’il fallait « donner du temps au
temps » et travailler durement. J’ai franchi les étapes des juniors U17
jusqu’aux U21 et, ce pratiquement de même, avec les équipes nationales
respectives des M16 au M21. A l’âge de 20 ans, J’ai eu l’opportunité de
rejoindre la première équipe du BSC Young Boys avec laquelle j’ai eu le plaisir
de jouer jusqu’en 2022. C’est à cette période également, soit plus précisément
en 2019 que j’ai eu le très grand honneur d’être sélectionné pour la première
fois avec l’équipe nationale suisse.
Nous voici arrivés en 2022,
date à laquelle tu fais l’objet d’une proposition accompagnée d’un contrat avec
le Bologna FC, club de série A italienne. Une telle opportunité ne se refuse
pas ?
Le « timing » était
parfait. Après cinq saisons avec les BSC Young Boys, je ressentais le besoin de
progresser et de franchir un nouveau pas supplémentaire. J’ai évidemment
accueilli cette opportunité d’évoluer en Série A avec un immense plaisir qui
n’avait d’égal que ma très grande motivation.
A propos, sais-tu que le
premier Président du Bologna FC, fondé en 1909, était tout comme toi, un
Fribourgeois et qu’il avait porté les couleurs du FC Stella de Fribourg ?
C’est vrai ? Non, je ne le
savais pas. Comment s’appelait-il ?
Il s’appelait Louis Rauch.
Je prends la liberté de te suggérer de lire l’article « Un Fribourgeois, 1er Président du FC Bologna », rédigé par notre rédaction.
Plusieurs joueurs suisses,
notamment Kubilay Türkyilmaz et Blerim Dzemaili ont foulé autrefois la pelouse
du Stadio Renato-Dall'Ara. Actuellement, ce ne sont pas moins de trois joueurs
internationaux suisses, soit toi-même, Remo Freuler et Dan Ndoye qui font les
beaux jours du Bologna FC. Cela mérite d’être souligné, qu’en penses-tu ?
Il y a actuellement de très
nombreux joueurs suisses qui évoluent à l’étranger, preuve si nécessaire que
nous suscitons de l’intérêt de grands clubs. Cependant, il est vrai que trois
internationaux suisses qui jouent dans la même équipe et dans un grand
championnat étranger est assez rare pour être mis en évidence.
Je m’imagine que cela n’est
pas toujours facile de tout changer au niveau sportif et privé. Comment s’est
passé ton premier transfert à l’étranger et comment te sens-tu maintenant après
deux ans en Émilie-Romagne ?
Il n’est pas aisé de quitter sa
famille, ses amis et son environnement. J’habitais Guin et je me suis trouvé
soudainement seul dans un hôtel à Bologna. Le changement n’est pas seulement
important au niveau sportif mais bien sûr aussi au niveau social. Cependant, je
me sens très bien tant à Bologna qu’au niveau du club.
Ton statut de professionnel t’impose
une discipline certaine. L’Émilie-Romagne est connue pour sa cuisine, peux-tu
quand même apprécier les trésors de la gastronomie régionale ? Une chose
m’interpelle également. En Italie, les habitudes à table sont particulières
avec le « primo piatto » très souvent un plat de pâtes, puis
« il secondo piatto » composé de viande ou poisson. Avez-vous un plan
diététique qui vous est imposé ?
Non, nous n’avons pas un plan
strict de suivi nutritionnel. La tendance est plutôt de nous faire plaisir tout
en nous responsabilisant. Nous avons à midi des choix multiples. Chacun a ses
habitudes et bien sûr ses goûts. A titre personnel, Je mange varié. Je suis
aussi un grand amateur de produits laitiers et le lait fait partie de mes
réserves dans le frigo.
Tu t’es imposé au milieu de
terrain d’un club de série A et tu es international suisse à 30
reprises. Ton contrat avec le FC Bologna arrive à échéance au 30 juin 2026. Tu
auras alors 29 ans. En pleine force de l’âge, comment vois-tu ton avenir ?
Je sens que le club a confiance
en moi (ndlr : Michel Aebischer a pris part à 36 des 38 matchs
de Série A lors de la dernière saison, dont souvent comme capitaine). De
mon côté, je me sens très heureux dans cette structure. Dès lors, pourquoi
changer ? J’ai encore beaucoup à donner à ce club et j’ai toujours une
marge de progression. Je me vois volontiers continuer mon chemin avec le
Bologna FC.
Tu n’es pas le genre de joueur
avec un égo surdimensionné. Bien au contraire, tu apparais comme un homme
humble, accessible, fiable, engagé et disponible. En fait, tu es un sportif de
haut niveau tel qu’on l’apprécie en Suisse. D’où viennent tes qualités qu’on
retrouve aussi sur le terrain ?
Cela fait simplement parti
intégrante de ma personnalité. Je suis ainsi. C’est naturel. Dans la vie, en
général, j’apprécie beaucoup pouvoir aider les autres. Il en est ainsi sur le
terrain. On ne gagne jamais tout seul mais en équipe. A titre d’exemple, si je
suis sur le banc, je peux t’assurer que je suis le plus grand fan de mon
équipe, que ce soit avec le Bologna FC ou l’équipe nationale.
Après une excellente saison
qui vous a permis de vous qualifier pour la Champion League, le Bologna FC est
toujours à la recherche de son niveau de la saison passée ?
Nous avons quelques joueurs qui
sont partis à la découverte de nouveaux horizons. Nous avons aussi un nouvel
entraîneur. Chaque coach a sa stratégie et ses convictions et il nous faut du
temps pour nous habituer à ces changements. Il est vrai que nous collectionnons
les matchs nuls. D’aucuns soulignent que nous n’avons gagné qu’un seul match
après 8 rencontres disputées (ndlr: 2 matchs gagnés de plus depuis notre
rencontre, le 24.10.2024) Nous pouvons aussi inverser la vision et mettre
en évidence que nous n’avons perdu qu’un seul match de championnat !
Au niveau de l’équipe suisse,
les résultats post Euro ne sont pas à la hauteur des attentes. Comment vis-tu
cette période ?
Concernant l’équipe nationale, on
ne peut que constater que le bilan chiffré est décevant. On ne peut pas le
nier. Au-delà de cela, j’ai l’impression que la malchance nous a poursuivi à de
nombreuses reprises. Avec la « Nati », nous avons également perdu
trois joueurs dont l’importance n’est pas contestable. A titre d’exemple,
Fabian Schär a fait l’objet de critiques souvent injustifiées, notamment dans
la presse. Son absence montre, si nécessaire, à quel point il était important
pour notre défense centrale. Avec l’équipe nationale, nous devons faire preuve
de patience.
Dans les moments
(peut-être ?) de nostalgie, qu’est-ce qui te manque de la Suisse et plus
particulièrement de Fribourg ?
Bien sûr, mes amis et ma famille,
mais aussi « Gottéron » dont je suis un grand fan !
NB
: Au moment de la publication de cet interview, le 5 novembre 2024, Michel
Aebischer a dû subir une intervention chirurgicale aux adducteurs. Nous lui
souhaitons un prompt rétablissement et nous nous réjouissons de le revoir
bientôt sur les terrains de football.